Tribune par NADèGE AZZAZ ET ISABELLE BERESSI

Lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans les transports

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AUTEUR : NADèGE AZZAZ ET ISABELLE BERESSI

Chaque 25 novembre doit nous rappeler l’exigence d’un combat indispensable, celui de la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Mais cette journée nous oblige, et il serait vain de se satisfaire de n’en faire qu’un symbole militant. En Île-de-France, elle doit notamment nous amener à interroger la question des transports en commun où se cristallise l’insécurité vécue par les femmes.

Lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans les transports

En effet, les différentes enquêtes témoignent de cette insécurité vécue. Selon l’Observatoire national de la délinquance, 80 % des Franciliennes déclarent rester en alerte dans les transports et 91 % des victimes de violences sexuelles y sont des femmes, selon l’Observatoire national de la délinquance. Dans un rapport de 2015, le Haut Conseil à l’Égalité entre les hommes et les femmes présentait déjà ce chiffre qui nous toutes et tous nous alerter collectivement : 100% utilisatrices de transports en commun ont subi au moins une fois dans leur vie du harcèlement sexiste ou une agression sexuelle.

Ces chiffres gravissimes ne disent pas seulement la fréquence des violences sexuelles et sexistes, mais aussi ce qu’on pourrait appeler une « insécurité d’atmosphère », c’est-à-dire la peur constante des femmes de se faire interpeller, regarder de travers, harceler ou même agresser. Chacune et chacun a déjà été témoin de regards insistants, de frôlements délibérés, surtout en période d’affluence, d’insultes sexistes, etc. La proximité avec un nombre aussi important d’hommes, conjuguée à l’indifférence générale que provoquent les scènes d’agression – car il est bien connu que plus il y a de spectateurs d’une scène qui nécessite intervention, moins il y a de personnes qui agissent -, pèsent sur l’état d’esprit des femmes au quotidien.

Des choses sont faites dans notre région. Les campagnes de sensibilisation déployées par Île-de-France Mobilités et la RATP, le déploiement massif de caméras, les bornes d’appel d’urgence, la formation accrue des agents, le numéro 3117, l’arrêt à la demande dans les bus de nuit, les efforts de féminisation des métiers du transport, les travaux d’éclairage renforcé autour des gares, etc. Personne ne gagnerait à en minorer la portée et, sur un sujet si grave, laissons de côté les querelles partisanes. Mais toutes ces actions, aussi utiles qu’elles fussent, ne suffisent pas.

Affleurent alors ce que l’oserait qualifier de fausses bonnes idées. La plus prégnante dans le débat public est la suivante : il faudrait, pour éviter les agressions, créer des wagons réservés aux femmes, comme cela se fait dans d’autres pays. Outre qu’elle contrevient au principe d’un espace public égalitaire, cette proposition déplace le problème sans le traiter. Elle fait peser sur les victimes la charge de s’extraire de la violence, au lieu d’obliger les agresseurs à en répondre. Ces dispositifs renforcent en réalité l’idée que l’espace commun n’appartient pas aux femmes. Créer des wagons réservés aux femmes, cela reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore des espaces non mixtes, et l’on se trouverait alors mal à propos de refuser des plages horaires réservées aux femmes dans les piscines, les bars, et pourquoi pas dans la rue. En définitive, si l’idée part d’un bon sentiment, nous considérons qu’elle ne résoudrait rien.

C’est pourquoi nous, élus socialistes d’Île-de-France, voulons proposer un chemin à l’exécutif pour renforcer la sécurité des femmes dans les transports en commun. D’abord, créons dans les applications RATP, Citymapper ou IDF Mobilités un bouton d’urgence permettant d’alerter en un geste la sûreté ferroviaire, avec transmission automatique de la localisation. Ensuite, affinons en continu la cartographie des heures et des lieux à risques, en croisant données de signalements, statistiques d’agressions et retours d’usagères, afin d’ajuster éclairage, patrouilles et caméras en fonction des besoins réels. Enfin, renforçons les sanctions envers les agresseurs, dont l’impunité perçue alimente la récidive. La sanction rapide et sévère demeure un outil de dissuasion indispensable.

« L’espace public a longtemps été, et il l’est encore dans de nombreux pays, profondément hostile à la présence des femmes » écrivait Leïla Slimani dans son Journal du confinement. L’on pourrait élargir sa réflexion aux transports en commun. Il est indispensable que la région prenne des mesures fortes pour œuvrer à la sécurité des femmes partout, y compris dans le métro, le bus, le RER ou le transilien.

Nadège Azzaz, conseillère régionale d’Île-de-France et maire de Châtillon.
Isabelle Beressi, conseillère régionale d’Île-de-France