À l’occasion du campus socialiste de Blois 2025 et du lancement de la nouvelle formule du Nouveau Populaire, nous avons eu le plaisir d’interroger le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure. L’occasion de revenir sur l’état du pays, les choix qui s’imposent à la gauche, les défis des mois à venir, et la stratégie des socialistes face aux échéances à venir.
La rédaction : La rentrée s’annonce tendue. Selon vous, la France risque-t-elle d’être paralysée ? Après les premiers mois du gouvernement Bayrou, quel est selon vous l’état du pays ?
La colère affleure partout et menace de déborder. Les appels à manifester, qu’ils émanent des syndicats ou de mouvements spontanés comme celui du 10 Septembre, démontrent que les Françaises et les Français n’ont pas tourné la page de la mobilisation historique contre la réforme des retraites. Ces mouvements à venir démarrent parfois de revendications différentes mais débouchent toutes sur un point commun : la demande de démocratie et de respect du suffrage issu des urnes, piétiné par Emmanuel Macron en refusant de nommer un Premier ministre de gauche à la suite des législatives anticipées qu’il avait lui-même provoquées en juillet dernier malgré les 9 millions de voix récoltés par la coalition du Nouveau Front Populaire.
Le Premier ministre, en se mettant en scène tout l’été comme le Diafoirus de Molière n’a eu de cesse de convaincre que seule une purge pouvait guérir le pays de sa dette. Exit des aspirations de nos concitoyens à la justice sociale et fiscale. Pourtant, pas un jour ne passe sans que nous parviennent des cris d’alerte de celles et ceux qui peinent à boucler leurs fins de mois, qui font face à la dégradation continue des services publics. Que promet-il ? Rien d’autre que d’amplifier ce qui déjà miné le pays, que de réduire encore plus le niveau des services publics en multipliant les coupes claires, tout en mettant toujours plus à contributions ceux qui travaillent dur pour gagner une misère. La suppression des jours fériés, légitimement décriée, en est l’illustration.
La rédaction : Quelles réponses politiques doivent être apportées dès la rentrée ? La motion de censure est-elle une option sur la table ? Quel bilan tirez-vous d’ailleurs du choix de la non-censure du gouvernement en 2025 ?
Par son obstination, ce gouvernement se place lui-même de nouveau dans une situation d’instabilité. La non-censure sur le budget n’a jamais été un blanc-seing, ni un pacte de gouvernance. Nous avons censuré Michel Barnier parce qu’il s’était compromis en passant un accord avec Marine Le Pen, tournant le dos à la promesse du front républicain. François Bayrou devait changer de méthode. Nous lui avons donné une chance en obtenant des concessions sur le pire de ce qui était envisagé, gel des pensions de retraite, déremboursement des consultations médicales et des médicaments, emplois dans l’éducation nationale et à l’hôpital notamment et bien sûr une conférence sociale sur les retraites qui devait se dérouler sans totem ni tabou, y compris sur l’âge légal. Chacun connait la suite de l’histoire.
Au lendemain du vote du budget, nous avons déposé une motion de censure contre le gouvernement, notamment parce qu’en lâchant la bride à Bruneau Retailleau, il s’était de nouveau fourvoyé dans des clins d’œil appuyés vers l’extrême-droite. la reprise des obsessions de l’extrême droite avec la submersion migratoire a été la goutte d’acide qui a fait déborder le vase.
Depuis février toutes les lois rétrogrades, liberticides ou climaticides qui ont été votées n’ont pu passer que grâce au soutien de l’extrême droite . Les socialistes n’ont ni abandonné leurs convictions, ni leur sens de l’opposition. C’est en grande partie grâce à nos recours que la loi Duplomb, comme d’ailleurs une partie des mesures les plus violentes de Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, a été censurée. Le juge fait l’office malheureux de dernier rempart contre ces attaques répétées à l’État de droit.
Nous avons, à la suite de l’échec du conclave qui résulte de la manière dont François Bayrou a corseté tout ce faux-semblant de dialogue social, déposé une nouvelle motion de censure. Elle n’a de nouveau pas été adoptée, en raison de l’alliance objective du Rassemblement national avec ce gouvernement qui n’a de cesse de défendre les privilégiés tout en méprisant les catégories populaires. La brutalité de ce nouveau projet de budget, dangereux et injuste, s’illustre par les deux courriers envoyés aux partenaires sociaux en plein milieu de l’été posant des conditions inacceptables pour la réforme de l’assurance-chômage et la suppression des deux jours fériés.
Nous proposerons donc lors de notre rentrée parlementaire, avec les groupes socialistes à l’Assemblée nationale et au Sénat, nos propres propositions. Celles-ci seront la seule base de discussion possible si le gouvernement souhaite éviter d’être censuré. S’il l’est, c’est de son fait et non de celui des oppositions qui jouent leur rôle, contrairement à ce qu’a encore laissé entendre Emmanuel Macron.
La rédaction : 2026 va être marquée par les élections municipales. Quels sont les objectifs stratégiques du Parti socialiste pour les prochaines municipales ?
Pour les municipales, notre objectif est double. D’une part, nous comptons conserver les villes dans lesquelles les socialistes sont déjà aux responsabilités. Ils y ont fait leurs preuves et montré qu’ils étaient à la hauteur des attentes de la transformation des communes au 21e siècle : adaptation au changement climatique, sécurité du quotidien, action en faveur des mobilités durables, alimentation saine et locale… Cette France des maires socialistes est notre fierté : ils sont le bouclier des solidarités locales qui permettent à nos concitoyens de sentir moins durement les chocs liés au désengagement d’un État qui voit les plus fragiles de nos concitoyens comme un fardeau pour la société. Nous sommes au rendez-vous et nous présenterons à Blois, forts de ces expérimentations et de notre bilan, une charte des combats des socialistes pour les municipales de 2026.
Ensuite, ces municipales doivent bien sûr être au cœur de la stratégie de reconquête territoriale de la gauche. Bien souvent, la gauche n’a pu conquérir de nouvelles villes que quand elle savait passer au-dessus de ses divisions. Nous attendons de nos partenaires écologistes et communistes un soutien dans les villes où nous sommes dans une majorité commune sortante. C’est le minimum lorsqu’on veut prétendre ensuite à bâtir ensemble l’union pour l’élection présidentielle.
Enfin pour créer les conditions de nouvelles victoires, nous devrons susciter les conditions d’une dynamique d’alternance collective forte au niveau national : ces municipales sont une étape majeure, le dernier grand rendez-vous avant 2027. À ces maires de droite qui chercheront à gommer leurs étiquettes nous leur rappellerons une chose simple : ils sont les relais locaux des gouvernements successifs qui ont tout fait pour affaiblir l’échelon local, celui dont nos concitoyens se sentent pourtant les plus proches. Ils devront en payer le prix. A nous d’être les meilleurs pour l’emporter.
La rédaction : En cas de dissolution, le PS serait-il prêt ? Dans un paysage politique fragmenté, quelle solution proposeriez-vous aux Français ?
Nous avons lancé, lors du dernier Bureau national avant les congés d’été, la préparation d’un plan dissolution. Nous ne pouvons nous permettre d’improviser. Cela passe d’une part par la préparation opérationnelle du parti à cette échéance : fléchage de binômes homme/femme dans le plus grand nombre de circonscriptions, réflexion avancée autour de mesures législatives fortes qui s’inscrit plus largement dans le travail du projet qui devra être finalisé pour la fin de l’année, examen des situations locales pour présenter des candidatures les plus à mêmes de donner une majorité absolue à la gauche en cas de victoire.
Mais malheureusement, depuis juin 2024, les conditions politiques n’ont pas fondamentalement changé : l’extrême-droite reste aux portes du pouvoir et toute division inconséquente de la gauche ne serait qu’un cadeau supplémentaire offert à la famille Le Pen et ses affidés. Je crois, plus que jamais, dans la nécessité du rassemblement de la gauche respectueux de la pluralité, dans une radicalité de projet mais non de postures, seule manière d’éviter le pire à notre pays. Nous avons évité l’arrivée de Jordan Bardella à Matignon l’année dernière et je ne nous pardonnerai pas d’être la génération lui permettant d’accéder au pouvoir.
La rédaction : Le processus de Bagneux a été lancé en juillet. Quelle place le PS peut-il y occuper ? Et Raphaël Glucksmann, doit-il en être ? Que ferez-vous s’il choisit de rester en dehors d’un tel processus pour proposer directement sa candidature aux Francaises et aux Francais ?
Le rendez-vous qui s’est tenu le 2 juillet à Bagneux a réuni les socialistes, les écologistes, les ex-insoumis de l’Après et Génération.s en présence de Lucie Castets et leur a permis de fixer un premier cadre méthodologique partagé pour construire le rassemblement autour d’une candidature commune de la gauche non mélenchoniste. C’est la seule manière possible d’envisager une qualification au second tour de l’élection présidentielle de 2027 et c’est le mandat que les militants socialistes m’ont confié lors du congrès de Nancy.
L’élaboration d’un cadre programmatique commun est un préalable à toute candidature, de Clémentine Autain à Raphaël Glucksmann, pour éviter une désignation qui serait le jeu perdant des 7 différences à gauche. Les socialistes verseront donc leur projet à cette plateforme puis viendra le temps de l’élaboration de modalités de désignation de notre candidat.e. Dès cet été, de premières discussions ont émergé sur la définition de ce cadre et sur un calendrier commun. Les rendez-vous de la rentrée nous permettront de continuer à avancer. Le Parti socialiste sera le moteur de ce rassemblement puisqu’il nous faut encore aller chercher plus loin, en intégrant le Parti communiste et Place publique restés volontairement à l’écart des discussions jusqu’alors mais avec qui nous sommes en contact constat. Nous sommes comptables devant nos électeurs et les Français et n’avons pas le droit à l’erreur pour bâtir l’avenir et l’alternance, enfin, en 2027.