Interview avec CHLOE RIDEL

QUEL PROJET POUR LE PARTI SOCIALISTE ?

- TEMPS DE LECTURE : 6 min
AUTEUR : ADRIEN MADEC

Le Nouveau Populaire a rencontré Chloé Ridel, députée européenne et secrétaire nationale chargée du projet du Parti Socialiste, afin de faire le point sur le chantier de renouvellement des idées au PS, au lendemain de son 81ème congrès.

QUEL PROJET POUR LE PARTI SOCIALISTE ?

    La rédaction : En 2025, à moins de deux ans de l’élection présidentielle, vous venez d’être nommée secrétaire nationale du Parti socialiste en charge du projet, à l’issue du dernier congrès, Dans quel état d’esprit abordez-vous cette mission ?

    Avec beaucoup d’humilité mais aussi une grande ambition pour notre famille politique. Pour remplir cette mission, je ne suis pas seule : autour de moi, un comité de pilotage rassemble toutes les sensibilités de notre parti, et je sais également compter sur nos militants, nos élus, des organisations de la société civile et de nombreux experts bénévoles qui veulent contribuer.

    La refondation du projet socialiste doit produire un programme de référence pour le 21ᵉ siècle, qui dépasse la seule perspective présidentielle de 2027 et serve de socle durable, actualisable. Ce projet doit permettre au Parti socialiste de retrouver une cohérence idéologique forte et une lisibilité politique. Nous devons nous réidentifier auprès des Français, dans un contexte où la gauche traverse une crise européenne et mondiale. Nous devons aussi nous repositionner clairement sur les thèmes récurrents du débat public : retraites, immigration, fiscalité, économie, sécurité, écologie… La refondation de notre projet doit enfin permettre d’en finir avec les accusations récurrentes en « non-programme » du Parti socialiste.

      La rédaction : Selon vous, qu’est-ce qui, dans la société française actuelle, rend nécessaire la formulation d’un nouveau projet socialiste ? 

      Les grands défis du 21ème siècle appellent un retour de la gauche socialiste. Pendant la crise financière ou la pandémie de COVID, ce sont les États et la dépense sociale qui ont volé au secours de l’économie. Face au capitalisme, à la crise écologique, c’est la lutte contre les inégalités, la démocratie et la coopération qui nous sauveront, pas le far-west post-humain et brutal que nous promettent les droites alliées aux géants de la Tech. Dans une société très fracturée, polarisée, entre villes et campagnes, jeunes et vieux, français et étrangers…les socialistes peuvent aussi être celles et ceux qui jettent des ponts là ou beaucoup hérissent des murs. 

      Mais pour convaincre que nous sommes la solution, nous avons encore beaucoup de travail. Nous devons mener la bataille des idées, imposer notre récit. Nous réapproprier l’idée de liberté, qui n’a rien à voir avec l’absence de règles mais qui découle au contraire de la solidarité. Nous réapproprier la lutte contre l’insécurité, qui n’est pas que physique mais aussi sociale, quand les usines ferment, que le pouvoir d’achat s’étiole ou que les médecins s’éloignent, et écologique, quand les canicules, les feux ou les inondations se multiplient, quand les pollutions font grimper les cancers.

      Au 21ème siècle, le socialisme doit évoluer avec le monde tel qu’il change. Le réchauffement climatique s’accélère et menace nos conditions de vie sur terre : le socialisme ne peut être qu’écologique. Le progrès technique – avec l’intelligence artificielle, l’internet et les réseaux sociaux, les écrans, l’automatisation – n’est plus forcément synonyme de progrès humain, là où, au 20ème siècle, il a plutôt et considérablement améliorer la qualité de vie du plus grand nombre avec l’électricité, les produits électroménagers, la voiture, le TGV : le socialisme doit chercher à démocratiser et ré-humaniser le progrès technique.

      Nous devons convaincre que nous sommes capables, de nouveau, de changer la vie. Le « social libéralisme » était une impasse qu’il nous faut clairement dénoncer. Face à des multinationales aujourd’hui plus puissantes que des états et face à l’autoritarisme montant, nous devons créer un rapport de force suffisant si nous voulons construire la justice sociale, fiscale, fortifier la démocratie et la liberté. 

        Le travail idéologique peut être un moyen de dépasser des divisions internes qui ont beaucoup porté sur la stratégie, notamment vis-à-vis de la France insoumise. Se fédérer autour d’un nouvel horizon à défendre, c’est revenir à l’essence de la politique. Pour pouvoir se battre ensemble, il faut d’abord savoir pourquoi on se bat. 

        La rédaction : Défendez-vous un projet conçu pour déboucher directement sur un programme de gouvernement ?

          Oui. 

          La rédaction : Comment associerez-vous militants, sections et fédérations à la construction du projet ?

            Les fédérations et les militants sont associés à la refondation du projet de plusieurs manières ! D’abord, nous nous appuyons sur plus de 400 contributions militantes qui ont été déposées lors du dernier congrès : les auteur.es de ces contributions viendront les présenter à Blois dans un temps dédié d’auditions militantes. 

            Ensuite, chaque fédération aura la possibilité de faire remonter une contribution pour le projet. Les secrétaires fédéraux chargés du projet auront la responsabilité d’organiser ce travail en lien avec les forces vives locales.

            La rédaction : Quelle articulation prévoyez-vous avec les prochaines échéances, notamment les municipales ?

              Nous bâtissons un projet pour la France, nous aurons aussi besoin des maires pour l’appliquer mais aussi pour le nourrir. Nous avons cette spécificité : partout en France, des grandes métropoles aux petits villages, le socialisme municipal change la vie des gens. Il végétalise, rend l’air respirable, améliore les transports en commun, assure la cantine pour tous, la sécurité, finance les acteurs culturels…bref, il construit du commun et de la qualité de vie.

              La rédaction : Comment allez-vous composer avec le processus dit de “Bagneux” d’union de la gauche qui se met en place ?

              La refondation du projet socialiste et la préparation d’une candidature commune de la gauche sont deux processus distincts. Nous travaillons sur un projet sur le temps long, au-delà des prochaines échéances électorales, tandis que Bagneux vise uniquement 2027. Mais il faut d’abord que nous ayons refondé notre projet avant de pouvoir forger un programme commun avec nos partenaires.