25 %. C’est le pourcentage de baisse, en quarante ans, des capacités physiques des enfants, selon les travaux du professeur Grant Tomkinson, de l’Université d’Australie-Méridionale, repris par la Fédération française de cardiologie.
Cet effondrement est l’une des conséquences directes du manque croissant d’activité physique et de l’essor des comportements sédentaires à tous les âges, dans les modes de vie des pays dits développés. Augmentation du taux d’obésité et des cas de diabète de type 2, détérioration du sommeil et de la santé mentale, accélération de la perte d’autonomie : la sédentarité est une « bombe à retardement sanitaire », pour reprendre l’expression d’un rapport parlementaire des députés Régis Juanico et Marie Tamarelle-Verhaeghe publié en 2021, qui s’est déjà déclenchée.
L’Organisation mondiale de la santé a évalué qu’en 2022, 31 % des adultes dans le monde ne pratiquaient pas le niveau d’activité physique recommandé. Le coût de la sédentarité est chiffré à plusieurs dizaines de milliards d’euros par an pour notre seul pays.
Dans sa note publiée par la Fondation Jean-Jaurès en juillet dernier sur les ravages de la condition sédentaire, Paul Klotz rappelle, en s’appuyant sur des études de l’Anses et de Santé publique France, que la sédentarité est une « maladie sociale qui creuse les inégalités », avec une proportion de personnes physiquement actives qui augmente avec le niveau de revenu.
Cette situation alarmante, précisément documentée et faisant l’objet d’un consensus scientifique, se heurte pourtant à une minoration massive des causes et des conséquences de la sédentarité dans nos sociétés occidentales et, en particulier, en France. Au même titre qu’il y a un déni climatique, nourri par des « climatosceptiques » qui nient, au mépris de la science, le changement climatique ou du moins son origine humaine, il existe un déni sédentaire.
Ce déni sédentaire se caractérise, d’une part, par un aveuglement, souvent individuel et certainement collectif, sur notre addiction au siège et à l’écran, qui nous a fait basculer dans une société de l’immobilité, poison lent et persistant. Et l’erreur, régulièrement commise, est de penser qu’un peu d’activité physique hebdomadaire nous sort de notre condition sédentaire, ce qui n’est en réalité pas le cas.
Il se caractérise, d’autre part, par un refus de relier certaines pathologies en forte progression et survenant de plus en plus précocement à nos modes de vie sédentaires. Pour reprendre l’expression du professeur et cardiologue François Carré, « nos collégiens de 15 ans préparent leur infarctus à 30 ans ».
Pour passer d’une société de l’immobilité à une société en mouvement, nous faisons donc face à un double impératif : sortir du déni sédentaire, pour ensuite faire reculer le fléau de la sédentarité.
Combattre le déni sédentaire suppose de recourir aux mêmes armes que celles utilisées pour combattre le déni climatique : faire de l’école le lieu de l’éveil aux enjeux des modes de vie plus actifs ; informer, à tout âge de la vie, sur les dangers de la sédentarité et les bonnes pratiques pour la réduire ; ou encore mieux encadrer les activités des promoteurs économiques de la sédentarité.
Il faut ensuite aller au-delà : il n’y a pas de fatalité à faire rimer modernité et sédentarité. Cela suppose de permettre la pratique d’une activité physique ou sportive accessible et inclusive, de la crèche à la retraite.
Cela suppose, premièrement, d’investir dans un concept développé au Canada, celui de la « littératie physique », que l’International Physical Literacy Association définit comme « la motivation, la confiance, la compétence physique, le savoir et la compréhension qu’une personne possède et qui lui permettent de valoriser et de prendre en charge son engagement envers l’activité physique tout au long de sa vie ». Cela nécessite, deuxièmement, de penser tous les espaces comme de potentiels lieux de pratique d’une activité physique : de l’immeuble de bureaux à la cour de récréation.
L’organisation des Jeux olympiques et paralympiques à Paris à l’été 2024 était l’opportunité idoine pour amorcer cette ambition et faire de la France une nation, non pas seulement de grands sportifs et sportives, mais aussi et surtout de culture sportive. Force est de constater que, par ses choix budgétaires en matière sportive, les différents gouvernements, depuis un an, ont fait des Jeux une parenthèse malheureusement refermée. Jusqu’à quand ?