Démarchandisons ! - L’édito d’Alexandre Ouizille

Alexandre Ouizille lors d’une conférence sur la taxation de l’héritage à Lyon, en mars 2025.

Partout la marchandisation avance. Les sphères de la vie humaine qui avaient été soustraites au prix de durs combats à la logique marchande, sont aujourd’hui attaquées. Les vastes services publics universels conquis par les socialistes et s’enracinant dans le patrimoine d’une République sociale sont remis en cause. Au rêve d’un État providence accompagnant chaque citoyen sur les chemins de l’émancipation “du berceau à la tombe” comme l’écrivait Lord Beveridge se substitue chaque jour un peu plus celui d’un “marché providence” ayant envahi tout le réel. 

Crèche, éducation, santé, grand âge. La revanche de la marchandisation est partout implacable. Les scandales fleurissent où les plus fragiles - jeunes enfants et personnes âgées -  sont victimes de ce retour du tout marché et subissent son corollaire, la déshumanisation.

La dynamique de la marchandisation apparaît par ailleurs hors de contrôle et hors des limites planétaires. Dangereuse pour l’homme, d’apparence inarrêtable, elle peut “transformer son milieu en désert” comme l’écrivait le socialiste Karl Polanyi dès 1944 dans une forme de prescience des contradictions écologiques du néolibéralisme.

Elle est aussi un processus de fragilisation de la vie intérieure. Ne devenir soi-même qu’un consommateur, un homme unidimensionnel circulant, posant son œil et tendant l’oreille dans un espace public saturé de publicité. Perdre de vue la citoyenneté et la délibération comme capacité d’action véritable et de réalisation de l’humanité de l’homme.

Face à cette dynamique, la doctrine socialiste doit s’organiser autour de la lutte pour la démarchandisation et se poser les questions de ce qu’elle implique : comment redonner à la société un pouvoir sur l’économie et aux individus un pouvoir sur leur vie ? Comment subordonner l’ordre économique à l’ordre politique ? Comment protéger les biens communs et les droits sociaux de la logique de profit, d’accaparement et de privatisation ?

C’est ce que nous vous proposons d’explorer dans ce deuxième numéro du nouveau populaire. Boris Vallaud consacre le feuillet central à cette question en montrant que la démarchandisation n’a pas pour corollaire automatique la ré-étatisation mais l’invention de nouvelles formes d’initiatives démarchandisées et démocratiques. Gulsen Yildirim applique ensuite la démarchandisation au monde du travail dans lequel beaucoup se joue tandis que Maxime Sauvage s’intéresse au temps libéré et à la démarchandisation du sport. Adrien Madec propose enfin de revenir aux sources théoriques de la démarchandisation. 

Il y a là un vaste projet pour le socialisme démocratique. Un socialisme qui refuse aussi bien l’autoritarisme que le laisser-faire. Un socialisme qui, suivant l’intuition de Lionel Jospin, dit “non à la société de marché”. Ce n’est pas une utopie, c’est un projet.

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